Entretien avec Charles Abelé, janvier 2004
(extrait de la Lettre de la F.AAGE n°9)
— Abelé Shihan, pouvez-vous nous donner quelques précisions quant à la genèse de l’Aïkitaïso ?
— O’ Sensei a mis en place cette pratique à la fin
de sa vie, entouré de maître Kobayashi Hirokazu et d’un médecin de médecine
traditionnelle japonaise. Maître André Cognard, élève de maître Kobayashi
a lui-même continué à faire évoluer cette pratique et c’est avec lui
que je l’ai étudiée. Par ailleurs, d’autres élèves de O’ Sensei ont
développé des pratiques internes.
Maître Kobayashi donnait un enseignement interne au travers de son Aïkido.
Il est certain qu’il ne souhaitait pas prendre une place trop visible
par rapport à l’extérieur. Il refusait journaliste, télévision, etc.
Ses élèves se sont d’autant plus engagés sur leur voie et dans la relation
maître-élève avec lui. L’AAGE s’inscrit dans cette filiation.
— Vous dites que l’Aïkido est une pratique interne. Pouvez-vous nous préciser cette pensée ?
— L’Aïkido utilise la martialité comme outil de mise
à jour de la personnalité. La martialité est un principe de communication
avec l’autre, avec le corps de l’autre, qui demande une grande précision.
L’Aïkitaïso demande une grande précision dans la relation à soi, à son
propre corps.
Le principe martial utilise le monde duel, c’est-à-dire le monde apparu
(Arawareta sekai) ; l’Aïkitaïso utilise un principe plus interne, dans
le monde apparaissant, le monde des phénomènes (Arawareru sekaï). Le
partenaire extérieur matérialise le partenaire intérieur.
Au japon, le terme martial est utilisé pour un ensemble d’arts tel que
l’art floral ou l’art du thé. L’art martial relie le microcosme au macrocosme.
L’axe vie mort demande énormément de précision, nécessite de se construire,
de se mettre en relation avec l’autre. L’essentiel étant la qualité
d’être.
L’Aïkido et l’Aïkitaïso bien que différents par leur forme manifestée
sont identiques quant à leur l’essence. La pratique nous amène à vivre
et non plus à survivre.
L’Aïkiryu développe ces deux formes internes. La pratique nous aide
à mettre à jour nos systèmes d’auto-destruction et à vivre en les intégrant.
Elle nous propose d’aller vers la lumière.
Reconnaître et accepter nos systèmes, c’est le sens d’AREGATAÏ. Les
mettre à la lumière pour qu’ils se transforment en quelque chose de
bénéfique, c’est le sens de YOKUNARU. Développer de la conscience, c’est
la voie. Lorsque la martialité est intériorisée, apparaît l’amour et
la compassion.
Abelé Shihan
janvier 2004